ORGANISMES GÉNOMIQUES MYCOPLASMIQUES

ORGANISMES GÉNOMIQUES MYCOPLASMIQUES

 

nous sommes toujours dans le contexte des ogm mais un cran au dessus...si certain en doute,le combat ne fait que commencer !            DB

 

Créateurs de vies

Biotechnologie.
Ils construisent des génomes en kit, conçoivent des bactéries à façon. Ils sont les architectes d’organismes vivants inédits, les pionniers de la biologie synthétique.

Corinne BENSIMON

QUOTIDIEN : mardi 29 janvier 2008

Des chercheurs tentent de créer dans leur laboratoire des formes de vie qui n’existent pas, mais alors pas du tout, dans la nature…

  On pourrait commencer l’histoire comme ça. On dirait ensuite que ces chercheurssont des champions de la voltige génétique, qu’ils savent mieux que personne vous débiter des chromosomes en petits morceaux, interchanger des gènes, et en fabriquer de toutes pièces. On préciserait qu’ils sont américains, patrons d’une société privée, Synthetic Genomics, misant sur une future production de génomes à façon pour l’industrie, et qu’ils se sont intéressés autrefois à la possibilité de créer de la vie sur Mars.

  Là, on pourrait faire monter la pression d’un cran en dessinant un cauchemar. On l’appelerait «le triomphe de Frankenstein», même si le leader de l’équipe se nomme Craig Venter (l’homme qui avait séquencé le génome humain en un temps record) et son second, Hamilton Smith, prix Nobel de médecine 1978. On brandirait des images du futur où le cher pays de notre enfance ondulerait sous l’irrésistible avancée de vermines dévorant nos blés blonds. Eventuellement, ça ferait peur.

  «Etape symbolique». On peut aussi raconter l’histoire telle qu’elle se présente dans la dernière livraison de Science où Craig Venter, Hamilton Smith et leur équipe du J.C. Venter Institute, près de Washington, expliquent sans modestie excessive, «le formidable défi technique» qu’ils ont relevé : ils ont fabriqué le génome complet d’une bactérie, ce qui constitue irréfutablement une première. En l’occurrence, ils ont synthétisé et assemblé les 582 970 bases qui constituent le patrimoine héréditaire de Mycoplasma genitalium.

  Le microbe, qui provoque des infections là où son nom l’indique, a certes le plus petit génome bactérien connu, avec ses 485 gènes. Il n’en demeure pas moins que le généticien et ses collègues ont franchi «une étape symbolique majeure» dans la manufacture du vivant, comme le relève le biologiste français Philippe Marlière. Ils ont exécuté un saut quantitatif : seuls des petits génomes de virus comptant quelques dizaines de gènes avaient été synthétisés jusque-là. Et aussi qualitatif : alors que les virus dépendent, pour se reproduire, des cellules qu’ils infectent, les bactéries sont des organismes «libres», autonomes. Elles constituent donc un système simple pour qui veut exploiter leurs fonctions génétiques afin de leur faire produire des molécules en fermenteur.

  C’est bien dans cette perspective que Craig Venter a construit un gènome artificiel de mycoplasme. Il s’apprête à passer à la phase suivante : l’intégrer dans l’enveloppe d’un mycoplasme, en lieu et place de son génome naturel. Il travaillera ensuite à la réalisation du rêve qu’il caresse, avec Hamilton Smith, depuis quinze ans : déconstruire ce génome artificiel morceau par morceau jusqu’à mettre en évidence les gènes «indispensables à la vie», écrit-il dans Science. Il tiendrait alors son Graal : la maquette d’un «génome minimal», le «châssis» sur lequel pourrait être greffées toutes sortes de gènes et de fonctionnalités inédites…

  Folie ? Venter promet des bactéries de synthèse produisant de l’hydrogène et de l’éthanol. Synthetic Genomics a pour objectif, écrit-il dans Science, de «relever des défis globaux de l’énergie et de l’environnement». Venter a déjà déposé trois demandes de brevets depuis l’été dernier pour protéger ses procédés de construction d’organismes sur le «chassis» d’un «génome minimal» vital…

  Enfoncés, les OGM d’un Monsanto qui n’a jamais réussi qu’à planter deux ou trois gènes de bactéries dans le bon vieux génome d’une céréale. Balayées, les performances des colibacilles transgéniques qui, forts de la greffe d’un gène humain, fabriquent de l’insuline, de l’EPO, de l’hormone de croissance, confinés dans leurs fermenteurs. Voici venir le temps de l’ingénierie génétique totale. Le projet de «génome minimal» de Venter en est une préfiguration, mais pas la plus ambitieuse.

  Phosphorescence. «Venter construit un génome qui est une quasi-copie d’un génome existant, pour le mettre dans une cellule existante», relevait, cet automne sur la BBC, le biologiste Drew Endy, du Massachusetts Institute of Technology (MIT, Etats-Unis). Endy est de ceux qui travaillent à des réalisations bien plus radicales : écrire de partitions génétiques complètement nouvelles, à l’aide de «biobriques», minipièces d’ADN de synthèse dont la fonction a été identifiée.

  Celles-ci seraient à l’ingénierie biologique ce que les transistors sont à l’ingénierie électronique. Quelque 2200 de ces biobriques sont déjà en ligne. On y trouve des gènes «interrupteurs» de fonctions, d’autres «promoteurs», d’autres assurant la phosphorescence, etc.

  Construire le vivant sur plan, après modélisation informatique des assemblages d’éléments : des centaines de scientifiques (biologistes, chimistes, physiciens, mathématiciens, informaticiens) y travaillent, au point que l’ensemble de leurs efforts est devenu, en moins de cinq ans, une discipline bouillonnante : la biologie synthétique. Alors qu’elle a tenu son premier congrès international il y a trois ans à peine (1), elle a déjà ses papes et ses mecques (le MIT, l’institut de technologie de Zurich), son «concours international des machines génétiquement modifiées», l’iGEM, (lire page 26), un journal en ligne, un slogan «making a better life, one part at a time» : rendre la vie meilleure, bloc par bloc.

  «Défis du siècle». Meilleure ? Venter rêve de cellules produisant des énergies renouvelables. Jay Keasling, de l’université de Californie (Berkeley), bâtit des bactéries qui produisent de l’artemisinine, antipaludéen naturel, d’autres édifient des cellules «détecteurs» qui communiquent entre elles en émettant des signaux à la façon des éléments d’un circuit électronique. Le généticien Philippe Marlière (Genoscope, Evry) estime que la chimie sera le débouché naturel de la biologie synthétique : «Les cellules regorgent de catalyseurs dédiés à des réactions chimiques spécifiques. Le colibacille en réalise 3 000, les cellules humaines 40 000. Elles fabriquent des protéines, qui sont des polyamides. Mais on pourrait les amener à faire autre chose, par exemple, des polyesters, du plastique.»

  Comment ? «Les idées fourmillent», note le généticien. Utiliser des combinaisons inédites d’ADN, mais aussi créer des enveloppes cellulaires synthétiques pour acceuillir des génomes également synthétiques. Et encore, changer le code génétique : construire un langage génétique fondé sur des dizaines de bases au lieu des quatre ACTG, ou sur d’autres acides aminés que ceux des actuelles protéines... «Pour créer les outils vivants qui répondront aux défis du siècle - alimentation, énergie, gestion des déchets -, il faut inventer une nouvelle sémantique, estime Philippe Marlière. Les organismes synthétiques parleront alors un langage qui ne pourra pas être lu par les organismes naturels. On évitera ainsi les problèmes de croisements que posent inévitablement la coexistence des OGM et des non-OGM.»

  En ce mois de janvier, Bruxelles a lancé Synbiosafe, «le premier programme européen de réflexion sur la sécurité et les aspects éthiques» posés par ses futurs développements de la biologie synthétique. Un vaste programme.

 
> http://www.liberation.fr/transversales/futur/306659.FR.php

© Libération

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :